Lettre adressée à la Ministre de l'éducation postsecondaire, de la formation et du travail, Mme Martine Coulombe :
Madame la ministre,
Par la présente, la Fédération des étudiants et des étudiantes du Centre universitaire de Moncton (la FÉÉCUM) désire vous partager ses préoccupations, ses inquiétudes et son désaccord vis-à-vis la mise en place possible d’un salaire minimum à deux paliers pour les travailleuses et les travailleurs du Nouveau-Brunswick. Nous savons que cette idée ne date pas d’hier et qu’elle a été véhiculée par un certain nombre de citoyennes et de citoyens au cours des consultations pré-budgétaires du ministre des finances, Blaine Higgs. Nous désirons, par cette lettre, vous rappeler que plusieurs citoyennes et plusieurs citoyens ont aussi exprimé leur désaccord profond à l’égard de cette idée. Les étudiantes et les étudiants de l’Université de Moncton sont de ce groupe.
Nous avions été soulagés d’apprendre que l’idée d’un salaire minimum à deux paliers n’avait pas réussi à faire son chemin dans le premier budget de votre gouvernement. Cependant, nous avons été surpris d’apprendre, grâce aux médias qui en ont fait un sujet d’actualité, que votre gouvernement étudie présentement la question à nouveau. Nous jugeons que l’adoption d’une telle politique n’irait pas dans le sens des intérêts de notre province d’un point de vue économique, mais aussi d’un point de vue sociétal. Il ne s’agit pas d’un moyen efficace de réduire les dépenses, et la mise en place d’un salaire minimum à deux paliers aura des conséquences importantes sur les jeunes qui seront, selon nous, les plus touchés si le gouvernement allait de l’avant avec l’idée.
Nous ne pensons ne rien vous apprendre quand nous affirmons que l’apport des jeunes travailleuses et des jeunes travailleurs est important pour l’économie de la province. Les jeunes d’aujourd’hui seront appelés à renouveler la main d’œuvre vieillissante et il est essentiel que le gouvernement crée des conditions de travail avantageuses, et ce, afin d’inciter cette population à rester chez nous après leurs études. Si cette population ne voit pas d’avantage à demeurer au Nouveau-Brunswick pour y travailler, elle sera incitée à déménager et faire, par la force des choses, prospérer l’économie d’une autre province.
Nous sommes d’avis que les trois solutions explorées à l’heure actuelle ne feraient que désavantager cette population dont le Nouveau-Brunswick a besoin pour renouveler son économie. Même si certaines propositions semblent peu radicales, elles touchent toutes d’une façon ou d’une autre et à différents degrés, les jeunes entre 16 et 24 ans. Selon des données publiées en 2004 par Statistique Canada, plus de 55% de la population qui se fait rémunérer au salaire minimum se trouve dans cette tranche d’âge et près de 45% de cette population est constituée d’étudiantes et d’étudiants qui cherchent à financer leurs études. Voici notre analyse de chacune des trois voies étudiées et des conséquences qu’elles pourraient avoir :
Un salaire minimum inférieur pour les travailleuses et pour les travailleurs de moins de 18 ans : Même si les jeunes qui ont entre 16 et 18 ans sont, en général, logés, nourris et vêtus par leurs parents et n’ont pas d’aussi grands besoins financiers que les travailleuses et les travailleurs de plus de 18, nous pensons qu’instaurer un palier de salaire minimum qui leur est spécifique va à l’encontre du principe de non discrimination de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans cette optique, nous comprenons mal comment le travail d’une personne qui a moins de 18 ans (à même compétence et à même expérience) n’a pas la même valeur que celui d’une personne qui a plus de 18 ans. Puisque les étudiantes et les étudiants ne peuvent pas payer leurs études uniquement grâce à l’aide du programme de prêt du Nouveau-Brunswick, nous avons été surpris d’apprendre que votre gouvernement étudie sérieusement la possibilité de diminuer le salaire minimum des personnes qui se trouvent dans cette tranche d’âge. Plusieurs commencent dès un jeune âge à épargner de l’argent pour pouvoir fréquenter une institution d’éducation postsecondaire dans un avenir rapproché et il serait contreproductif de leur couper des vives nécessaires. Une telle mesure n’est pas seulement de la discrimination basée sur l’âge, mais risque aussi de réduire davantage l’accessibilité aux études postsecondaires dans la province (voire même augmenter le fardeau financier du gouvernement).
Un salaire minimum inférieur pour les travailleuses et pour les travailleurs en formation : Les travailleuses et les travailleurs qui pourraient subir les conséquences de cette initiative sont, en grande partie, des jeunes en début de carrière qui ont moins de 24 ans. Dans le fond, le salaire minimum actuel est déjà interprété comme étant le salaire de base à partir duquel une travailleuse ou un travailleur obtient des promotions (c’est-à-dire le salaire que l’on donne à une employée ou à un employé durant sa période de formation). Nous craignons, plus que tout, les diverses interprétations possibles du mot « formation ». Est-ce que les étudiantes et les étudiants en stage devront subir les conséquences d’un palier de salaire minimum pour les travailleuses et les travailleurs en formation ? Combien d’heures devront travailler des employés en formation avant d’avoir droit à un salaire jugé raisonnable pour les autres ? En plus, certains employeurs en profiteront peut-être pour faire des économies malhonnêtes. Est-ce que les employeurs seront tentés de garder le plus grand nombre d’employées et d’employés « en formation » pour faire des économies ?
Un salaire minimum inférieur pour les travailleuses et pour les travailleurs des établissements qui servent de l’alcool : Nous convenons que les travailleuses et les travailleurs des établissements licenciés cumulent, en plus d’un salaire de base, un surplus grâce aux pourboires laissés par les clientes et les clients. Cependant, mettre en place un palier de salaire minimum différent pour ces travailleuses et pour ces travailleurs revient à prendre pour acquis que les clientes et les clients donnent des pourboires généreux (voire qu’ils en laissent toujours). Nous pensons que les pourboires varient grandement selon la localisation de l’établissement et selon le type d’établissement. Aller de l’avant avec un palier de salaire minimum différent pourrait, en fait, créer des situations d’inégalités. Comme c’est le cas pour les autres initiatives proposées, si celle-ci est mise en place, elle toucherait majoritairement la population âgée de 19 à 24 ans, et la population étudiante en particulier. Nous ne pensons ne rien vous apprendre quand nous affirmons que la réalité d’aujourd’hui veut que les étudiantes et les étudiants travaillent pour arriver à payer leurs études postsecondaires. Réduire le salaire minimum de ces travailleuses et de ces travailleurs (qui sont souvent aux études) viendrait mettre en péril leur capacité de payer leurs droits de scolarité.
Somme toute, imposer un salaire minimum inférieur aux travailleuses et travailleurs de moins de 18 ans ou aux travailleuses et travailleurs en formation ou même aux travailleuses et travailleurs des établissements qui servent de l’alcool, ne va pas dans le sens des intérêts du Nouveau-Brunswick et, de toute évidence, ne va pas dans le sens des intérêts des jeunes (notamment des étudiantes et des étudiants). Dans les trois cas, nous sommes d’avis que cette initiative est de la discrimination basée sur l’âge puisque les trois initiatives touchent largement les jeunes de 16 ans à 24 ans. Nous sommes convaincus du fait que comme société, le Nouveau-Brunswick ne devrait pas tolérer la discrimination dans les lieux de travail. Dans cette optique, il serait seulement logique pour le gouvernement de rejeter les trois initiatives qui sont présentement à l’étude.
Dans l’espérance que vous comprendrez pourquoi la FÉÉCUM s’oppose à tout projet de mise en place d’un salaire minimum à deux paliers, veuillez, Madame la ministre, agréer nos plus sincères salutations.
Ghislain LeBlanc
Président de la FÉÉCUM
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