jeudi 8 novembre 2012

On est bilingue ou on l’est pas / Either we’re bilingual or we aren’t / Bork bork bork borkbork

par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets

Le premier ministre du N-B, David Alward, a «fumblé» solide dans les médias ce matin, en déclarant à un reporter de CBC news que la clé d’une résolution au soi-disant conflit opposant les deux communautés de langue officielle de la province était, et je cite, « to focus ou our differences » (CBC).

Oupelaï !

Reste qu’il était le temps qu’il se prononce sur cette situation qui dure depuis déjà trop longtemps dans les médias provinciaux. Il a au passage reconnu le multiculturalisme sur lequel est fondée la société néo-brunswickoise, qui comprend quatre grands groupes. Avouons qu’on ne parle que rarement des communautés Micmac et Malécite, qu’Alward a inclus dans son intervention.

Mais ça c’est un autre débat, pour un autre jour.

J’applaudis l’initiative du premier ministre, bien que tardive, et j’admets qu’on peut comprendre pourquoi Alward hésitait à se mouiller dans ce débat épineux ; l’opinion contre laquelle les francophones et Acadiens se sont dressés en début de semaine ne peut prétendre être la voix de la majorité anglophone du N-B. Or le premier ministre parle au nom de la majorité.

D’après le vice-premier ministre Paul Robichaud, les derniers sondages révèlent en fait que 80% de la population du N-B se dit favorable au bilinguisme (CapAcadie) et qu’en conséquence, les journaux ne contribuent qu’à créer un débat qui, de fait, n’a pas sa raison d’être au Nouveau-Brunswick.

Alors, et je crois que c’est ce que David Alward a maladroitement tenté d’exprimer, ne faut-il pas plutôt promouvoir la richesse de la culture néo-brunswickoise, qui s’appuie sur l’identité, l’apport et le contact de ces quatre communautés ? Parce que ces derniers temps, de fait, la grogne est très certainement née d’une attention démesurée à nos différences.

Les Néo-Brunswickois de tout acabit portent plusieurs chapeaux : ils sont Acadiens, Loyalistes, Canadiens, Anglais, Français, Chinois, Malécites, Africains, Arabes, Européens, Coréens, Latinos, Écossais, Micmacs, Irlandais… C’est déjà beaucoup, et il y en a encore. La culture américaine (au sens continental) trouve sa genèse dans ce contact des cultures. Nous sommes une nation d’immigrants de première, deuxième, troisième, énième génération et ce qui devait nous unir, à la base, est ce désir commun de s’éloigner des vieilles querelles linguistiques, religieuses, partisanes, politiques. Malheureusement, c’est trop souvent encore ce qui nous divise. Nos ancêtres (voire nos parents ou nous-mêmes dans certains cas) sont venus, souvenons-nous en, vers nos rivages en quête d’une vie meilleure, loin de cet ergotage sans fond et sans fin.

Je crois que nous souffrons, ici comme ailleurs au Canada ou aux États-Unis, d’une grave myopie vis-à-vis notre passé et notre histoire. Quelle société voulons-nous pour nous-mêmes ? Quelle société voulons-nous léguer aux générations futures ? Quel sera le Canada ou le Nouveau-Brunswick de 2050 ? 2100 ? 2500 ? Va-t-on jamais tirer des leçons du passé et les appliquer ? Mes amis à JDV comprendront ce que je veux dire en disant qu’il est plus que temps pour la phase d’intégration.

Je serais curieux de faire comme aux États-Unis et de faire parler nos pères fondateurs. À la racine de la Confédération se trouve l’intérêt d’une paix sociale et de l’union des forces et des ressources pour le plus grand bien commun, n’est-ce pas ?

Les droits des communautés sont importants, comme les services qui leur sont prodigués, et, morbleu, si la Loi comme la Charte les protège, aussi bien en rester là sur ce sujet.

Ça fait plus de 400 ans qu’on se chicane, pour quelque chose à quoi on ne peut, manifestement, rien changer : qui nous sommes. Nous sommes tous fiers de qui notre culture, de notre héritage, de communauté et de notre histoire. Nous sommes aussi humains, et de mentalité tribale, malheureusement ; et plus petite est la tribu, plus grande est la peur de l’Autre. Mais ne perdons pas de vue le fait que nous avons une histoire commune au Nouveau-Brunswick, même fondée sur le conflit. Donnons-nous une chance de vivre, d’évoluer ensemble. Si on en croit les sondages, il semblerait qu’on soit enfin en phase d’y parvenir.

Donc, chères lectrices et chers lecteurs, en fait de querelles linguistiques, je vous dis : faites-vous canard plutôt que Doberman. Délaissez aboiements et morsures pour laisser paisiblement le flot de ces peccadilles vous humecter l’épine dorsale pour terminer leur périple là où se trouve l’espace qui devrait leur être réservé. Right about le péteux, mettons, plutôt que sur la place publique.

Ayons des débats intelligents et utiles. Ou mieux encore, discutons, for Pete’s sake.

Bork bork !

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