mardi 6 août 2013

Projet Énergie Est de TransCanada : 1) l’aspect économique

par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Cette semaine, on blogue pétrole! Pétrole, et non «produits d’énergie» comme s’évertue à le nommer Harper. Comme si la bouse de vache était un «produit de digestion»… Vous avez certainement entendu que la pétrolière TransCanada va de l’avant avec son projet d’oléoduc Ouest-Est, et que le gouvernement de notre province tient à peine dans ses culottes depuis l’annonce; alors, nous avons cru bon de regarder les principaux aspects de cette question, et de son impact pour le N-B.

Donc :

En écoutant ce matin Le Réveil avec Michel Doucet (Radio-Canada à 7h48), j’ai appris que le premier ministre du N-B, David Alward, considère la venue de l’oléoduc TransCanada comme «une occasion sans précédent de rebâtir les bases de notre économie [et] de financer des programmes sociaux». Il va même jusqu’à qualifier l’oléoduc d’événement qui changera le cours de l’histoire de notre province.

Vraiment? Peut-être l’histoire du mandat d’Alward, mais de la province…

Voyons un peu : selon l’éditorialiste François Gravel de l’Acadie Nouvelle (CapAcadie), Frank McKenna (qui s’y connaît en profits), estime que l’oléoduc de TransCanada génèrera des redevances de 7 milliards$ au Nouveau-Brunswick. Je ne peux confirmer cette information : toutes les sommes avancées par McKenna (dont le 7 milliards$ dont parle Gravel) sont plutôt liées au développement de l’industrie du gaz de schiste (CHQC Saint-Jean; et CBC). McKenna demeure vague sur les sommes auxquelles doivent s’attendre les Néo-Brunswickois en termes de redevances pétrolières, si même il y fait allusion.

Une seule chose est certaine, les revenus provinciaux émaneront de deux sources principales : les redevances (qui sont calculées selon un taux appliqué aux profits de l’industrie), et la taxation foncière (que doit payer annuellement TransCanada pour les terres où passe l’oléoduc). Le reste des retombées découleront des emplois créés par l’industrie, et qui se traduiront par une hausse des revenus de taxation et d’imposition.

Il semble peu probable que le N-B puisse percevoir des redevances auprès de TransCanada, en simple raison du fait que le pétrole qui circulera dans l’oléoduc est extrait en Alberta, et ne sera que raffiné ici. L’Alberta, en contrepartie, recueille la part du lion en voyant ses redevances pétrolières augmenter à mesure que l’ouverture des marchés d’exportation permet la hausse du prix du baril de brut. Le baril de brut albertain se vend actuellement de 20$ à 25$ (ou 20%) moins cher aux Etats-Unis, son principal acheteur (Radio-Canada).

Irving a par contre annoncé qu’il comptait ajouter à ses installations de Saint-Jean un nouveau terminal en eau profonde, au coût de 300 millions$, afin d’étendre ses capacités d’exportation (CapAcadie). Plus d’approvisionnement (en vertu de l’oléoduc) permettra d’augmenter la production, et de là l’exportation de pétrole issu de la raffinerie Irving. Cela signifie plus d’emplois à Saint-Jean, donc plus de retombées pour le gouvernement provincial. Mais aussi, et surtout, cela représente une importante hausse des profits chez Irving, et de là des revenus supplémentaires sous forme de redevances pour le N-B.

Le bénéfice du N-B dans cette affaire se limite à peu près à cela. Je ne sais pas à quel taux d’imposition la province astreindra TransCanada pour son oléoduc, mais vu la politique de «bras grands ouverts» démontrée par Alward depuis le début de l’affaire, ce ne sera certainement pas trop corsé.

Donc il ne faut pas se leurrer : les profits ici, ou en Alberta, ou à n’importe quel autre point le long de l’oléoduc (plus sur le tracé dans le prochain blogue), resteront largement entre les mains des pétrolières et des raffineries, ainsi que, dans une moindre mesure, celles des gouvernements provinciaux. Quand à ce qu’ils en feront…

Et le p’tit monde, là-dedans?

L’approvisionnement en brut «bon marché» de l’Alberta n’aboutira pas sur une baisse significative du prix de l’essence pour les contribuables. Pourquoi? Parce que l’objectif de l’oléoduc est justement d’atteindre la parité – et idéalement plus vous l’aurez compris – avec le prix du brut sur les marchés mondiaux. La raffinerie Irving, dans l’intervalle, engrangera des profits record qu’elle nous vendra comme un retour attendu sur l’investissement dans ses infrastructures. J’entend déjà les «si on baisse les prix, on le fait à perte en raison des montants investis dans les nouvelles installations… en passant, on peut-tu les monter un brin?»

Ce serait surprenant que Irving Oil prenne une hypothèque sur son nouveau terminal…

Ceci conclut la première partie de notre regard sur la manne pétrolière au N-B : en clair, qui en profite? L’industrie pétrolière. Il convient maintenant de se pencher sur l’impact social et écologique de l’oléoduc. À suivre!

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