jeudi 29 août 2013

Valcourt d’idées

par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets

Bernard Valcourt
Hé bien, on peut au moins se féliciter d’avoir su identifier tôt la tendance de la rentrée!

Le 28 août, Bernard Valcourt était de passage à Campbellton pour promouvoir la dernière initiative du gouvernement fédéral, la Subvention canadienne pour l’emploi (SCE). LA SCE vise spécifiquement à «rapprocher employeurs et chercheurs d’emplois» partout au Canada. La somme totale de 24 M$ seront investis par le fédéral d’ici mars 2014 pour financer, en partie, 1900 stages rémunérés en milieu de travail partout au Canada.

En principe, cela doit permettre aux nouveaux diplômés qui peinent à se trouver un emploi dans certains domaines spécialisés d’acquérir l’expérience qui leur manque pour trouver un emploi.

Valcourt annonçait donc que 1,2 M$ de cette somme seront attribués à une firme de Campbellton pour jumeler 144 nouveaux diplômés avec des employeurs de la région.

Les stages ainsi subventionnés doivent être d’une durée de 12 à 26 semaines, soit entre 3 et 6 mois.

Le pourcentage de cette somme qui sera retenu par la firme pour ses services n’est pas mentionné; à vrai dire il n’est pas dit si le cachet de la firme doit être retranché de la somme annoncée hier. Il est très possible que cette part des coûts ne fasse tout simplement pas partie des données dévoilées par le gouvernement.

Malheureusement, il s’agit d’un autre exemple d’un flagrant manque de vision à long terme de la part du gouvernement. Le programme peut, en théorie, avoir des retombées instantanées : 144 stages passablement bien rémunérés dans la région.

C’est bien joli tout ça, mais après les 3 à 6 mois pendant lesquels le stage sera subventionné, y aura-t-il un emploi qui va attendre la personne qui en a bénéficié? Le salaire de crève-faim que la compagnie peut se permettre de verser au stagiaire va-t-il doubler comme par enchantement? Va-t-on combiner quatre parts de stages en une position? Et, plus important encore : ont-elles l’intention d’embaucher?

Si les entrepreneurs de la région ont tant besoin d’employés qualifiés, pourquoi n’ont-ils pas déjà approché le CCNB, les CEGEPS, les écoles techniques et que sais-je encore pour établir ce lien avec les diplômés? Personne ne crachera sur un emploi stable dans le Nord de la province, ça je peux vous le garantir.

Et avec la mine Brunswick qui vient de cesser ses opérations, nul doute qu’il y aurait là un bassin de main-d’œuvre à exploiter. L’a-t-on fait?

A-t-on les moyens de créer, dans la région et avant l’échéance de ces stages rémunérés, 144 emplois dans des domaines hautement spécialisés?

Le porte-parole de la firme chargée du projet a déclaré qu’ «à la fin des stages, ce qu’on espère, c’est que les jeunes demeurent dans les entreprises»… Qu’il soit clair que ce sont des stages qui seront créés, et non pas des emplois.

Qu’est-ce à dire? Doute-t-on de la capacité des entreprises à créer les emplois nécessaires pour les garder dans la région, ou doute-t-on de la volonté des stagiaires de demeurer dans ces entreprises? On veut permettre aux nouveaux diplômés d’acquérir de l’expérience en milieu de travail -ce qui est louable- sans prendre de mesures pour que ce milieu de travail ne soit pas en-dehors de la province au bout de trois à six mois. On les forme pour travailler où, ces stagiaires, au juste?

Et c’est à ÇA, monsieur Valcourt, que le gouvernement Harper devrait réfléchir avant de se gausser d’initiative et d’innovation.

Une des grandes préoccupations dans le nord du N-B est l’exode des travailleurs: comment ce programme se propose-t-il d’y remédier DURABLEMENT? Les entrepreneurs n’ont clairement pas les moyens d’embaucher plus de gens – ils le feraient. Les entreprises n’ont clairement pas BESOIN de plus d’employés – elles n’ont pas les moyens d’étendre leurs opérations. Cette fausse prémisse à la base de la SCE, qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre qualifiée au Canada, n’est qu’un écran de fumée visant à occulter la vérité des faits : les grandes entreprises ne veulent pas dépenser plus d’argent, elles veulent en recevoir plus du gouvernement. Investir ses profits au lieu de les engranger tiendrait du blasphème!

Si l’argent et la volonté y étaient, ces compagnies embaucheraient de la main-d’œuvre possédant des qualifications pertinentes, et dépenseraient cet argent qu’elles se meurent supposément de donner aux Canadiens pour les FORMER.

Ce n’est pas la responsabilité de l’État de le faire. Mais malheureusement, c’est de plus en plus évident que c’est la voie sur laquelle le Canada s’engage.

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