samedi 15 décembre 2012

Du politique au tac

par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Ayez la bonté de considérer ce qui suit comme un billet d’humeur :


J’ai eu le malheur de devoir, pendant l’exercice de mes fonctions, m’attarder à regarder la période de questions de la session d’hier au parlement du N-B. On y a notamment parlé de l’absence d’une entente de financement pluriannuelle entre la province et les universités (d’ailleurs la raison de mon visionnement) pendant quelques minutes.

Il m’a donc été donné de voir comment on règle les problèmes des Néo-Brunswickois à l’assemblée provinciale. J’étais en appétit ! Après un apéritif corsé, garni d’un bras-de-fer sur la question de la responsabilité quant à la réforme de l’assurance-emploi, où le premier ministre Alward a habilement esquivé la question de l’opposition libérale pendant plusieurs tours, avant de céder le micro à son vice-premier ministre Paul Robichaud, j’ai eu droit à un entremets plutôt tiède. Je vous résume les propos sur une note tragi-comique :

Q : À quand une entente de financement ? Vous l’aviez promise !

R : On discute avec les intervenants avant de décider d’aller de l’avant.

Q : Ça fait deux ans que vous discutez !

R : Vous aviez quatre ans avant nous pour agir et vous avez pas plus agi que nous.

Q : C’est le temps d’agir !

R : On attend d’avoir toute l’information.

Et on passe au mets suivant ! Personnellement, j’étais repu et j’ai préféré quitter la table avant de rendre le contenu de mon estomac, peu habitué à ces denrées riches en boulechitte.

Mais il demeure que, aussi sordide qu’ait pu paraître cet exercice puéril et souvent vide que l’on nomme politique à Fredericton, c’est encore pire à Ottawa. Les exemples ne manquent en la matière.

J’en reviens donc à mes moutons : l’entente pluriannuelle. Le ministre Soucy en est toujours à rencontrer les intervenants du milieu de l’éducation postsecondaire, afin d’établir clairement les besoins et les possibilités au niveau du financement. On peut accuser les Conservateurs de procéder lentement et de faire preuve d’une prudence – peut-être – excessive. Mais comme par hasard, v’là-ti pas un rapport qui fait état d’une bourde libérale causée, justement, par une grave imprudence. En 2009, le gouvernement de Shawn Graham a accordé à la compagnie Atcon une garantie de prêt de 50 millions $, en se basant sur la valeur qu’Atcon elle-même accordait à la compagnie. Cette valeur, on l’apprend cette semaine, était outrageusement gonflée ; d’après les estimés citent la surévaluation se chiffrait entre 28 et 35 millions de dollars (Radio-Canada).

Atcon s’est placée sous la protection de la Loi sur la faillite en 2010, un an après l’obtention du prêt. De cette somme, le gouvernement n’a pu récupérer que 341 000$. Le gouvernement libéral avait déjà accordé à Atcon des prêts de 7 millions $ en 2007, ainsi que de 13 millions $ en 2008. C’est en raison d’un refus des banques d’accorder un nouvel emprunt à Atcon (parce que le risque était jugé trop élevé) que la province a accepté de prêter la somme de 50 millions $ à la compagnie, afin qu’elle puisse préserver des emplois dans la région de Miramichi (Radio-Canada).

David Alward, alors chef du parti PC, avait demandé que le gouvernement accord son aide à Atcon (Radio-Canada). La somme de cette aide, cependant, n’a été révélée qu’après-coup par les Libéraux.

La cerise sur le sundae, ici, c’est que le comité de sous-ministres (fonctionnaires du gouvernement) qui avait étudié le dossier d’Atcon avait déconseillé au gouvernement Graham d’accorder ce prêt pas une, pas deux, mais bel et bien TROIS fois, en raison du risque trop élevé de perte pour les contribuables.

Foi de quoi, on ne peut pas nécessairement en vouloir au gouvernement Alward de procéder lentement et de commander des études. On a toutefois vu ce qu’il en fait des études dans le dossier du gaz de schiste…

En tout cas.

Ça se continue ce matin à l’émission Le Matin, à la radio de Radio-Canada, où le vice-premier ministre Paul Robichaud reprend cette histoire, en chiffrant le coût au contribuable non plus à 50, mais à 70 millions $. Il fait ce calcul en fonction du montant total d’aide financière accordée à Atcon par le gouvernement entre 2006 et 2009. Et, moment politique de la journée, l’animateur lui demande «Mais comment peut-on s’assurer qu’une telle perte soit évitée aux contribuables du Nouveau-Brunswick ?»

Et v’là mon Paul qui part : il cite, et à juste titre, qu’il faut que le gouvernement soit à l’écoute des expert qu’il mandate à l’étude de ces dossiers (ce que Graham n’a pas fait, le fait est avéré), et il en profite pour dire que le meilleur moyen de protéger les contribuables, bien entendu, est de garder le parti Libéral à l’écart du pouvoir le plus longtemps possible.

Non mais !

Je n’ai que ceci à dire : les Libéraux ont eu tort. C’est aberrant que cette décision ait pu être prise par le gouvernement Graham à la lumière des analyses et des rapports qu’ils avaient en main sur Atcon. Mais c’est fait. Que le gouvernement Alward – qui recule dans les sondages (CapAcadie) – profite de ce moment pour amasser du capital politique en discréditant les Libéraux actuel sur la base des erreurs du gouvernement précédent, par contre, c’est tout bonnement faire preuve de mauvaise foi, et c’est tout sauf travailler dans l’intérêt des gens de la province.

Nos élus devraient servir la population, et non s’en servir pour se maintenir en poste.

Ou pire, pour servir des intérêts personnels.

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