mercredi 12 juin 2013

Comme un pavé dans la mare...

par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets

Wow.

On peut dire que l’éducation postsecondaire – et tout particulièrement dans le domaine universitaire – est réellement devenu un sujet d’intérêt public. Tant au niveau des coûts (sans doute la grande vedette), que de la gestion, de l’administration, de la philosophie de ces établissements dépositaires de savoir, la population, manifestement, porte désormais une oreille plus attentive à ce que se déroule dans le domaine postsecondaire.

Témoin, la présence médiatique accrue du sujet.

Clairement, on doit une large part de cet intérêt redoublé des médias pour l’éducation à la longue grève étudiante québécoise de 2012. Cependant, il persiste une certaine nébulosité quant à l’origine réelle de cet intérêt. Je vous le demande : les médias répondent-ils, ou au contraire fabriquent-ils l’intérêt de la population?

La question se pose. Mais je m’égare.

D’une part, les évènements du printemps érable ont forcé à la fois politiciens, médias, et citoyens à jeter un regard un tant soit peu scrutateur sur la situation de l’éducation postsecondaire au Québec. Et, comme un pavé jeté dans la mare, l’onde de choc s’est dispersé. Tout un chacun s’est bientôt surpris à se demander quel était l’état des choses dans son canton. Ici au N-B nous avons récemment été aux prises avec des hausses des droits de scolarité qui – je ne vous apprend rien – ont passé de travers, tant à l’UdeM qu’à STU. Dans les deux cas, des hausses surprenantes (1000$ et plus) ont été imposées à l’une et l’autre des populations étudiantes, soit internationale et canadienne.

Et si certains s’amusaient à penser que les étudiants étaient seuls à trouver cette pilule amère – que dis-je, infecte! – le geste de solidarité qui a été posé par l’assistance lors de la récente collation des diplômes à l’UdeM nous a montré tout le contraire (L’info-FÉÉCUM). Le public est désormais plus informé, mieux informé surtout, et prêt à s’engager.

Un pavé dans la mare...

Ces âmes solidaires – par l’action, les paroles ou la simple pensée – ce sont d’anciens étudiants qui ne connaissent les défis qui attendent les nouveaux diplômés après l’université; des parents qui défraient (dans la mesure du possible et certainement pas dans tous les cas) les coûts du diplôme obtenu; les frères, sœurs et amis qui s’engageront éventuellement ou complèteront bientôt le même parcours; les grands-parents qui regorgent de fierté à la vue de leurs petits-enfants qui ont eu une chance à laquelle eux-mêmes n’auraient jamais osé rêver, mais également d’inquiétude à l’idée de leur sécurité financière, de leurs perspectives d’emploi, et j’en passe.

Et puis, ce pavé dans la mare, il nous pousse, progressivement, à écailler couche par couche l’éducation postsecondaire. La pelure, friable, c’est le coût, le prix de ces études qui augmente année après année jusqu’à atteindre des niveaux records (CBC). Mais d’autres couches suivent, que l’on n’osait pas, jusqu’à tout récemment, attaquer de nos ongles avides...

C’est désormais chose faite. L’administration des universités et la gestion des fonds publics qui leurs sont impartis par le gouvernement passe désormais sous notre loupe; éventuellement ce seront les pratiques du gouvernement en matière de financement de l ‘éducation qui seront peut-être remises en question.

Mais je m’emballe; une couche à la fois : l’administration d’abord. Au cours de la dernière année, d’abord au Québec puis en Nouvelle-Écosse, les associations étudiantes ont remis publiquement en question l’administration de plusieurs grandes universités. Des rapports ont révélé des salaires étonnants, des administrations gonflées au possible, des dépenses parfois louches ou carrément injustifiables des fonds publics. C’était une couche, mais dernièrement on semble en voie de s’attaquer à la suivante...

La parution du livre du professeur de droit Serge Rousselle, Pris en flagrant délit, est peut-être le pavé dont avait besoin l’UdeM dans sa mare. En l’espace d’une semaine après son lancement, bon nombre de pratiques douteuses ont été mises en lumière venant de l’administration de l’UdeM. Au premier chef, son Conseil des Gouverneurs qui se réserve le droit de consigner ses débats sous le sceau du secret. Et pourquoi donc je vous le demande? Ces gens sont nommés pour représenter la communauté auprès de l’UdeM... Juge-t-on donc que cette communauté n’a pas la capacité – ou pas besoin – de comprendre ce qui s’y dit en leur nom?

Imaginez un gouvernement qui décide, en secret et en votre nom, de mesures et de lois qui doivent règlementer votre vie quotidienne, puis qui vous les impose en vous disant que c’est pour votre bien et que, de toute façon, ils savent mieux que vous ce qui est bon pour vous.

En fait, pas besoin d’imaginer bien longtemps pour avoir une bonne idée de ce que ce serait. Mais je m’égare derechef.

Ailleurs, comme à l’Université d’Ottawa, les débats du Conseil des Gouverneurs sont diffusés publiquement, sur le web. Un peu comme les débats de la Chambre des Communes. Est-ce que tout le monde les regarde pour autant? Certainement pas, c’est plate à mort. Mais il demeure qu’il relève du bon sens le plus élémentaire, dans une démocratie, d’ouvrir ces débats à l’écoute du public : qui se sent concerné a pleinement le droit d’en connaître le contenu. On parle en son nom, que diantre!

C’est qu’on a peut-être peur de se voir remis en question...

Et puis, sous cette autre couche de ce qu’il convient d’appeler l’«oignon universitaire», une nouvelle se dévoile. Celle de la culture du silence qui règne, pour notre grand malheur, à bien de niveaux de l’administration de l’UdeM. Serge Rousselle donne un excellent aperçu des coulisses du pouvoir dans son livre, et des conséquences potentielles d’une rupture de ce silence institutionnel.

Je dis silence, et non pas secret. Parce qu’à tenir trop serré on crée des fissures, et par ces fissures, subtilement, silencieusement, s’échappe le secret.

La véritable beauté de toute cette affaire – qui ne fait que commencer j’en ai bien l’impression – c’est qu’elle est révélatrice d’un changement en profondeur de la culture universitaire, et acadienne au sens large : fini le temps où il fallait se cacher pour pouvoir faire avancer la cause! Les pratiques hérités de l’époque de la Patente, la société secrète qui a servi de bougie d’allumage à l’essor de la communauté acadienne alors sous le joug de la majorité anglophone, n’ont plus lieu d’être au sein de la première institution de l’Acadie moderne, l’Université de Moncton.

Pourquoi se cacher, si on a rien à cacher? Si on a aucunement BESOIN de se cacher?

En dernier lieu – pour l’instant – vient la couche de l’intimidation, du rapport inégal entre membres de la communauté universitaire. C’est de là, peut-être, que naquit cette culture du silence dénoncée par Serge Rousselle. C’est de cela qu’elle se nourrit, de toute évidence. Peu après la sortie du livre, Radio-Canada (et pas ICI, ventrebleu!) est venu interviewer le président de la FÉÉCUM, Kevin Arseneau. Kevin a révélé à la journaliste avoir été « victime d’intimidation » de la part d’une personne membre de la haute administration de l’université (Radio-Canada). C’est malheureusement un schéma qui se répète en bien des endroits de notre chère institution. Celle de menaces voilées de répercussions nébuleuses en réponse à un geste qui cause du mécontentement. Nous en avons déjà – souvent – vu des exemples dans les cas où des étudiants lésés voulaient porter plainte envers des professeurs, et même récemment encore de professeurs lésés qui n’acceptent pas les décisions de l’administration.

Serge Rousselle propose la création d’un poste d’ombudsman à l’UdeM à la fin de son livre. Cette idée, la FÉÉCUM (et l’ABPPUM) la portent auprès de l’administration depuis des années, sans succès. Nous pouvons néanmoins espérer, dans un avenir rapproché, que quelque chose soit fait en ce sens; des démarches sont entreprises depuis quelques temps et, bien que le résultat visé ne soit pas la création d’un poste d’ombudsman dans les règes de l’art, une position semblable pourrait bientôt voir le jour.

Entre temps, j’en profite pour vous rappeler que nous bénéficions de la présence d’une personne extrêmement dévouée et très qualifiée (Jennifer Boyd), dont le bureau est ouvert en tout temps aux étudiants comme aux professeurs ou aux membres du personnel se trouvant aux prises avec une situation épineuse ou injuste : elle est là pour vous – allez la consulter!

Également, la FÉÉCUM place à votre disposition un Guide des plaintes qui vous guidera à travers les méandres du processus administratif lié au dépôt d’une plainte. C’est pas facile, et certainement pas toujours rapide, mais il y a un moyen de le faire!

Le silence n’est plus une option. Ne DEVRAIT plus être une option. Fini le temps où les problèmes se réglaient en les ignorant.

Le temps n’arrange plus les choses. Pas tout seul, non.

VOUS arrangez les choses.

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