par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Au cours des dernières semaines, de nombreuses inquiétudes quant au sort des immigrants dans nos régions ont animé les bulletins de nouvelles, journaux et sites web d’information de la province. En outre, des allégations de racisme en fait d’accès à l’emploi, ce qui complique le (déjà) difficile processus d’intégration des nouveaux arrivants, ont fait surface (Radio-Canada). Interrogé sur la question, le directeur du Centre d’accueil et d’accompagnement francophone des immigrants du Sud-est du N-B (CAFI) Benoit André, a déclaré : « [c]'est clair que si vous êtes noir, ça va être plus difficile à CV égal d'avoir un emploi. »
Triste exemple, qui a poussé l’équipe du FaceJournal Acadie à s’interroger sur les comportements racistes des Acadiens (Radio-Canada). « Les Acadiens sont-ils racistes ? », nous demande le présentateur.
Dans un commentaire paru dans l’Acadie Nouvelle (30 nov, p.19), M. André précise que « [d]u racisme, il y en a en Acadie, mais ce n’est pas vraiment une nouvelle. Il y a du racisme au Canada, en Europe, en Afrique et partout ailleurs. Après tout, la bêtise humaine est la seule chose qui donne une idée de l’infini. Et donc, il y a des Acadiens racistes. De là à dire que « les Acadiens sont racistes » procéderait du type de généralisation que l’on retrouve souvent dans les discours racistes. »
Pourquoi les incidents racistes sont-ils plus nombreux qu’auparavant, alors ? Hé bien, toujours selon M. André, l’explication est toute simple : les comportements des Acadiens, en somme, sont les mêmes qu’ils l’ont toujours été, mais le nombre d’immigrants, lui, a grandement augmenté. De là les incidences plus nombreuses de racisme ou de discrimination.
C’est une explication. Et je dis bien explication, pas excuse. À Moncton, des mesures et des organismes existent pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants, mais des efforts supplémentaires sont clairement nécessaires (Radio-Canada). Il faudrait peut-être d’abord que la Ville de Moncton montre l’exemple, en engageant davantage d’immigrants. Ces derniers représentent un peu plus de 1% des employés de la municipalité (soit 10 immigrants sur 800 salariés), selon les propos recueillis par un journaliste de Radio-Canada.
Les chiffres appuient cette recommandation. En 2006, les immigrants constituaient 3,42% de la population de Moncton (City-Data.com) ; c’est dire que ce groupe serait effectivement sous-représenté parmi les employés de la ville de Moncton.
Il demeure que la manière dont Radio-Canada a traité la nouvelle a fortement déplu à Chedly Belkhodja, professeur en science politique à l’UdeM et directeur du Centre Metropolis atlantique (CMA). Il précise que la discrimination à l’emploi décriée en tant que racisme flagrant des employeurs envers les immigrants est malheureusement plus fréquente dans les périodes de contraction économique, comme en connaît actuellement notre province (Radio-Canada).
Mais se pose également la sous-question de la discrimination envers les étudiants internationaux qui, eux aussi, semblent victimes de leurs origines. Ce n’est pas, ici, une question de reconnaissance de la formation ou des compétences, qui peut être un facteur de non- ou de sous-emploi pour bien des immigrants. Il semble bel et bien que, au moment de l’embauche, à qualifications et expérience égale, on préfère des diplômés originaires de la région (Media Mosaïque) à ceux venus d’ailleurs.
S’ajoute à cela une réglementation boiteuse du N-B en fait d’immigration, qui exige une année complète de travail relié au domaine d’étude pour qu’une demande de résidence permanente soit jugée recevable. Rien du genre au Québec ou en Ontario, où plusieurs diplômés d’origine étrangère se dirigent après la fin de leurs études ici. En fait, en 2010, des 60 étudiants internationaux diplômés par l’UdeM, seulement 10 sont demeurés dans la province (Media Mosaïque).
Et pourtant, on sait combien l’UdeM – et les universités canadiennes en général – courtise la clientèle internationale. 15% de nos étudiants, à l’heure actuelle, sont d’origine étrangère (CESPM). L’UdeM engage elle-même des recruteurs à l’étranger pour trouver des candidats, comme le font d’ailleurs la plupart des universités. D’autres institutions (souvent privées) ont cependant recours à des agences de recrutement qui font miroiter la possibilité de la citoyenneté « automatique » après les études afin de remplir les quotas qui leur sont imposés (CBC). Cette pratique déplorable a déjà mené, et mènera encore sans doute, à bien des déceptions. L’ACAÉ travaille activement en ce moment pour obtenir de meilleures conditions d’obtention d’un statut de résidence permanente – partout au Canada – pour les étudiants internationaux qui graduent ici (ACAÉ).
Il ne semble donc pas exister de « forfait étude-emploi-citoyenneté » au Canada, malgré la nature accueillante de la population. Accueil et intégration sont deux choses, et la seconde pose infiniment plus de problèmes aux immigrants que la première. Pour ce qui est de ceux qui complètent ici leurs études, ils ont l’avantage de se retrouver dans un milieu qui leur donnera la chance de créer des contacts avec les gens d’ici, simplement en allant à leurs cours ; cela peut semble insignifiant, mais ce premier contact est un moment très difficile à obtenir pour plusieurs. De là, nous l’espérons, peut se développer un réseau de contacts qui sera un outil bienvenu quand viendra le moment d’intégrer le marché du travail.
Parce que ces jours-ci, si tu connais personne, tu rentres nulle part. Et je ne suis pas prêt à dire que la couleur de la peau soit le seul facteur qui entraîne un refus automatique. C’en est un de plus.
Mais je l’avoue, c’est un facteur d’exclusion qui n’a aucune raison d’être.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire