Par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Les antidépresseurs seraient les deuxièmes médicaments en importance, après les contraceptifs oraux, prescrits dans la plupart des universités canadiennes (CBC), se classant au premier rang de façon constante dans certaines institutions.
À l’Université d’Ottawa, en 2011, les étudiant(e) ont reçu environ 120 000$ d’antidépresseurs par le biais de leur politique d’assurance collective ; cette somme dépasse celle des antibiotiques, médicaments liés au déficit d’attention (ADD) et médicaments topiques (pour traiter des problèmes de la peau) combinés.
Le stress financier lié aux études est cité comme une des principales raisons de cette hausse faramineuse, sans pour autant en être l’unique responsable. La charge de cours parfois lourde à laquelle s’astreignent les étudiant(e) dans le but de compléter leurs programmes le plus rapidement possible, ajoutée au travail à temps partiel souvent nécessaire (et pour certains cela signifie plus d’un emploi), paraîtrait pourtant suffisante…
Mais d’autres considèrent que la disparition graduelle des tabous entourant la maladie mentale auraient encouragé les étudiant(e)s à aller chercher l’aide dont ils et elles ont besoin. Et cette aide prend bien souvent la forme de psychotropes, en face de la difficile transition vers l’université pour bien des étudiant(e)s qui n’ont pas encore acquis la résilience nécessaire pour faire face aux inévitables embûches qui sèment le parcours universitaire.
Des troubles reliés à l’anxiété (le plus souvent liée à la pression académique et au sentiment grandissant de compétition pour un nombre de places de plus en plus limité sur le marché du travail) sont également devenus monnaie courante dans les campus universitaires canadiens.
Là s’arrêtent les propos de l’article, et commence la réflexion.
La dépression n’est certainement pas sortie de nulle part au début des années ’90. Paula Abdul, je veux bien (et elle aussi, empire avec le temps), mais la dépression existe depuis la nuit des temps.
Mais, comme bien d’autres désordres et maladies, elle n’a peut-être pas acquis son nom actuel dès ses premières manifestations.
Baudelaire parlait du spleen, du mal de vivre ; la mélancolie (les mélancoliques étant plus ou moins les emos du 19e siècle…) était aussi un terme à la mode. De nombreux « maux de l’esprit » étaient alors regroupés sous ce même terme ; on en dénombre plus de trente à une certaine époque. Et le tout se traitait à grands coups de poésie, d’opium et d’absinthe. Ah, et d’électrochocs !
«Dépression» devient le terme pour décrire ces conditions vers la fin du 20e siècle.
Alors, la dépression est devenue une maladie mentale.
Or, une maladie mentale était susceptible de placer la personne qui en souffrait à l’écart de la société ; pendant longtemps (jusque vers les années 1960 et plus tard en certains cas) et en bien des endroits, la maladie mentale était synonyme d’isolement du patient en asile psychiatrique.
Mais entre la dépression et la schizophrénie non-traitée, mettons qu’il y avait même alors un monde de différence. Alors facile d’imaginer que les gens souffrant de dépression souffraient en silence en trouvant là où ils le pouvaient le soulagement qui leur permettait de fonctionner avec un semblant de «normalité».
On buvait, on se droguait, on se battait, on se plongeait dans son travail parce qu’occuper le corps et l’esprit reste le moyen le plus efficace de ne pas sombrer dans les affres de la dépression…
Or, avec une charge de 6 cours et un (ou deux, ou trois) emploi(s) à temps partiel, qui a le temps de s’occuper à autre chose ?
Je veux bien croire que là réside une partie de la réponse, mais :
Avant de recourir aux psychotropes, qui ont un effet rapide, oui, mais un impact à long terme sur la chimie du cerveau (après tout le corps y développe une dépendance), ne faut-il pas tenter toutes les avenues possible ? À l’exception, bien entendu, de celles présentant un réel risque à votre santé !
Faire un peu d’exercice, adopter un hobby, faire du bénévolat, s’impliquer dans une cause qui vous tient à cœur, pratiquer un sport, travailler à vous dépasser à une quelconque activité, lire, discuter d’enjeux de société avec vos collègues, sont autant de moyens de vous occuper à autre chose qu’à fixer sur vos symptômes.
Remarquez que dans certains cas, cela est impossible et ces symptômes sont d’une intensité et d’une persistance qui ne permette de faire quoi que ce soit. Reconnaissons que cela nécessite l’intervention de la médecine au même titre que, par exemple, le cancer. Nul ne contesterait le besoin d’un traitement contre le cancer, et nul ne doit contester le besoin du traitement des maladies mentales. Ni le fait que la maladie ne définit aucunement la personne qui en souffre.
Mais pour passer le blues de novembre, ou la déprime de février, il y a toujours d’autres moyens.
Prenez le temps de bien juger la gravité de votre état ; consultez au besoin, mais les antidépresseurs ne devraient pas devenir automatiquement la réponse.
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