par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Bon, dernièrement je vous ai fait part d’une courte réflexion sur le bilinguisme au N-B et les attaques récentes de certaines organisations qui ont tenté de discréditer la révision de la Loi sur les langues officielles du N-B en usant du vieil argument que le bilinguisme ruine la province.
À les écouter, ce serait mieux de réduire les droits linguistiques de la minorité francophone et de mettre fin au «bilinguisme forcé» qui est en place dans notre province.
Je vous avais promis des chiffres sur le coût réel du bilinguisme et j’admets qu’ils ne sont pas faciles à trouver, et encore moins sur ses retombées économiques. Mais pas besoin de réfléchir très longtemps avant de voir que les centres d’appels, qui comptent parmi les grands employeurs du N-B, tirent bénéfice de la situation. En 2010, 19 000 personnes travaillaient dans des centres d’appels dans la province, une industrie générant 1,5 milliards de dollars annuellement (The New Brunswick Beacon).
On peut aussi songer aux traducteurs et traductrices, nos «quelqu’uns» préférés au N-B, qui sont constamment sollicités par tous les secteurs de l’industrie et qui sont de ce fait d’importants contributeurs à l’économie du N-B ; je doute qu’ils ne coûtent plus cher à la province qu’ils ne lui rapportent. L’échelle salariale dans le domaine, au N-B, va de 13 à 31 dollars de l’heure (Travailler au Canada), donc un salaire entre 27 000$ et 64 000$... et des revenus d’impôt, doublés d’une participation active à l’économie.
Ce sont les deux plus évidents, et il y en a d’autres que j’oublie sûrement. Mais le but initial de ma chronique était d’analyser les critiques formulées à l’égard du coût du bilinguisme. Donc, allons-y :
OK, mais avant mâchez votre bouchée, avalez, pis assisez-vous. Là.
La Anglo Society du N-B cite en toutes lettre sur sa page web officielle que le bilinguisme coûte au Nouveau-Brunswick 750 millions de dollars annuellement.
Ça m’a mis la puce à l’oreille. Si c’est vrai, hé ben là on a un réel problème parce que ça voudrait dire qu’il y a 10% du budget de la province (7,6 milliards$ en 2011) qui est consacré au maintien du bilinguisme. Méchant motton ! On devrait prendre une page du livre à Mitt Romney pis s’auto-déporter, pour le bien de la province.
J’ai donc cherché les chiffres à l’appui de cette affirmation de l’Anglo Society, puisqu’ils ne nous les fournissent pas. Il s’avère que quelques articles récents dans le National Post d’Ottawa, que l’on peut accuser de bien des choses mais certes pas de francophilie, se sont attardés au coût du bilinguisme au Canada.
Ça tombait plutôt bien.
J’examine donc les chiffres présentés : d’entrée de jeu, il s’avère que l’ensemble des provinces canadiennes dépense annuellement 900 millions $ en services aux minorités de langue officielle. Si le N-B seul en dépense 750, vous comprenez la panique qui gagne l’Anglo Society.
Pour être juste, au Canada la facture totale s’élève à 2,4 milliards $, dont 1,5 milliards $ proviennent d’Ottawa et le reste relève des budgets provinciaux (Fraser Institute).
Mais voici que le Post me dit que c’est en effet l’Ontario qui dépense le plus au Canada en fait de bilinguisme, avec 623 millions $ (ce qui équivaut à 1 275$ par citoyen de langue officielle minoritaire), et que le Québec se classe troisième avec 51 millions $ annuellement (et les dépenses les plus faibles par membre minoritaire à 85$/personne) malgré la plus forte proportion de personnes bilingues au Canada, avec 40% (National Post).
Pas fort fort pour l’Anglo Society jusqu’ici, mais poursuivons :
Un autre billet (National Post) nous apprend que 10,2% de la population du N-B se dit unilingue francophone, c’est-à-dire environ 75 000 personnes. À en croire l’Anglo Society, la province dépenserait 10 000$ annuellement par tête, soit presque 8 fois l’investissement de l’Ontario, qui est je vous le rappelle le plus élevé au Canada.
A-hum ! Continuons, voulez-vous ?
Ce même article nous dit qu’en vérité le N-B se trouve au 9e rang des provinces en fait de dépenses par habitant liées au bilinguisme. 9e !!! Nous sommes à une galaxie des 10 000$ que décrient l’Anglo Society, avec des dépenses annuelles de 357$ par membre minoritaire dans les faits. C’est dire qu’il n’y a en vérité que 1,5% du budget de la province qui soit accaparé par le bilinguisme.
Alors, messieurs dames de l’Anglo Society, si les francophones ne sont pas effectivement en train de ruiner le N-B, quel est le problème ?
Ah oui ! C’est vrai ! J’oubliais qu’on leur vole tous les emplois de la fonction publique, qui exigent systématiquement le bilinguisme !
Encore une fois, Le Post vient les contredire : au N-B il y a en fait un peu plus de 50% des emplois de la fonction publique qui nécessitent une forme de bilinguisme quelconque (National Post). Dans une province officiellement bilingue, disons que les unilingues ne s’en tirent pas si mal, non ?
Plus, si on travaille, on est pas tous des paresseux sur le chômage ! Une preuve de plus que l’émotion et la raison font rarement bon ménage. Or, on le voit rapidement, les arguments de l’Anglo Society ne tiennent pas la route lorsqu’on prend la peine de les questionner.
Et vlan !
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