par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Je crois que j’ai trouvé la traduction parfaite pour la fameuse ‘‘trickle-down economy’’ à l’américaine : vous savez, quand le gouvernement donne au sommet en disant que la somme sera redistribuée à la base?
Un autre qualificatif à l’américaine s’applique aussi, mais il ferait une en-tête, disons, légèrement moins classe. Question de produit de digestion bovine, vous voyez…
Bref.
Le ministre des Finances, Jim Flaherty, annonce cette semaine un gel des cotisations à la caisse de l’assurance-emploi (AE) pour trois ans (Radio-Canada). Cela signifie qu’à la fois employeurs et employés ne verront pas leur cotisation d’AE augmenter –tel que prévu initialement- durant cette période. On comprend aussi que la caisse de l’assurance-emploi, qui démontre actuellement un surplus, ne pourra demeurer adéquatement financée que si la demande diminue, ou que les versements n’en sont pas bonifiés. Puisque la réforme pousse les gens à accepter des emplois de moins en moins bien rémunérés, cela devrait s’opérer de façon naturelle, mais qu’importe. La position officielle du gouvernement Harper sur le sujet et que ce gel doit stimuler la création d’emplois dans les petites et moyennes entreprises (PME).
Règle générale, le gel annonce l’amputation et non pas la croissance.
Mettons les choses au clair : ces économies seront de l’ordre de 34$/employé pour les entreprises, alors difficile de comprendre comment un économiste de la trempe de M. Flaherty peut y déceler un incitatif suffisant pour pousser les PME à créer de nouveaux emplois.
Ah! Mais il y a aussi les employés, pour qui cela représentera des économies de 24$ annuellement.
Je peine à contenir mon allégresse.
La vérité semble, purement et simplement, que le gouvernement Harper veuille à la fois justifier sa réforme de l’AE -dont l’efficacité est ‘‘prouvée’’ par ce surplus- et mettre la table pour des coupures subséquentes dans un programme qu’il juge tellement sur-financé qu’il est prêt à y sabrer pour retourner les sommes économisées aux entrepreneurs. De plus, cela permet de redistribuer un peu de la ‘‘richesse’’ ainsi créée. Mais vise-t-on réellement les PME, M. Flaherty?
Mettons qu’une PME d’une dizaine d’employés économise en effet 340$ l’an prochain… Ça paie à peine 4 jours de travail (et pas très bien d’ailleurs) pour UN employé supplémentaire.
Et on ne peut s’empêcher de lever un sourcil quand on considère le moment choisi par le ministre pour affirmer que le chômage est en recul au pays, soit à la fin de l’été alors que le travail saisonnier fait sentir son impact sur l’économie. La vérité est que les contributions à la caisse seront toujours excédentaires quand les demandeurs (éventuels) sont au boulot.
Mais évidemment, ces demandeurs ont de plus en plus d’obstacles à surmonter pour accéder à l’AE, alors en théorie le surplus pourrait se maintenir. Et si le surplus se maintient, le gouvernement Harper aura la preuve nécessaire que la réforme fonctionne, et se considèrera peut-être libre de serrer la vis un peu plus, qui sait?
Il y a fort à douter que les propriétaires de PME jubilent à l’annonce de M. Flaherty. Par contre, les grosses multinationales et les entreprises comptant des centaines ou des milliers d’employés, peut-être un peu plus…
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