par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Terre-Neuve et Labrador fait vraiment bande à part en ce qui concerne des droits de scolarité. Allant à l’encontre de la tendance canadienne à la hausse – à laquelle le Québec vient tout juste de se joindre – la province a, dans un premier temps, gelé les droits de scolarité en 1999-2001, puis les a graduellement réduits de 25% entre 2002 et 2005, pour les geler à nouveau, cette fois à leur niveau de 1997(soit 2500$ par année) . Ce gel fut maintenu jusqu’en 2008, puis reconduit jusqu’en 2012-13. À cela s’ajoute une baisse des frais afférents. Tout compté (sauf vos dépenses personnelles), une année à Memorial vous coûtera, selon le site web de l’institution (Lien), 3060$.
À l’époque ou le gouvernement de T-N-L a décidé d’investir dans un gel des droits de scolarité, et ensuite d’une réduction des coûts liés à l’éducation supérieure, la province comptait encore parmi les «pauvres» du Canada. C’est-à-dire qu’elle recevait plus du fédéral qu’elle n’y contribuait, en raison de la faiblesse des revenus provinciaux. Ça a radicalement changé à partir de 2007, quand d’importantes modifications aux formules de redevance et de transferts fédéraux (ainsi qu’une flambée du prix du pétrole) ont accordé une plus grande part des revenus pétroliers à Terre-Neuve. Depuis, l’industrie pétrolière constitue une importante source de revenus pour la province : en 2010, 31% (1,8 milliards$) du budget provincial provenait de cette source (Lien).
Ça leur a donné les moyens de leurs ambitions, en somme. Mais, comme le préconise Jacques Parizeau, les ambitions sont venues les premières.
Pourquoi Terre-Neuve a fait le choix de financer à 88% (MacLean’s) l’éducation postsecondaire? Au cours des années 1990, surtout en raison de l’effondrement de l’industrie de la pêche à la morue, Terre-Neuve fait face à un exode massif de sa population, qui quitte souvent vers l’Ouest. En particulier, les jeunes de 15 à 29 ans délaissent leur province d’origine : ils comptent pour 71% des migrants vers l’extérieur de la province depuis 1971, et quittent au rythme de 4 000 et plus par année entre 1994 et 1998 (Gouvernement T-N-L). Le gel des frais de scolarité en 1999 visait à retenir un maximum de ces derniers. En 2008, le bilan migratoire net de T-N-L est positif pour la première fois en 16 ans ; c’est-à-dire que plus de gens migrent vers Terre-Neuve, que vers l’extérieur. Par contre, l’exode des jeunes se poursuit (Radio-Canada).
Il reste à voir quel fut l’impact du gel et de la réduction des frais sur les inscriptions aux études postsecondaires. Terre-Neuve compte une seule université, Memorial, qui possède 4 campus, dont 3 à T-N-L et un en Angleterre (Harlow, comté d’Essex). En 1998, 13 116 étudiants sont inscrits à temps plein à Memorial, contre 14 190 en 2004 et 14 250 en 2009 (Statistique Canada). Il y a donc eu un impact au niveau de l’institution. MacLean’s nous indique d’ailleurs que le nombre d’étudiants en provenance de la N-É a augmenté de 1 079% entre 1997 et 2009, et ceux venus du N-B de 800% (MacLean’s).
Mais au plan provincial, la stratégie a-t-elle porté fruit ? Si on compare les statistiques démographiques pour les 17-29 ans et le tableau des inscriptions universitaires, on constate un rapport de 1 : 7,8 en 1998, contre 1 : 5,9 en 2004 et 1 : 5,7 en 2009. Évidemment, ces rapports ne tiennent pas compte de la proportion d’étudiants provenant de l’extérieur de la province (qui était de 1% en 1997 et de 17% en 2010), mais ils parviennent tout de même à nous donner un portrait général de la situation.
Précisons, en dernier lieu, que la population des 17-29 ans affiche un déclin net de 22% entre 1998 et 2009 : c’est dire qu’il y a toujours de moins en moins de jeunes à T-N-L, mais que ceux qui y demeurent sont mieux éduqués. Le phénomène du vieillissement de la population, combiné à l’exode des travailleurs et des étudiants vers le reste du Canada et l’extérieur, diminue néanmoins ses effets depuis 2007.
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