jeudi 14 février 2013

Retrait de l'Alliance étudiante du Nouveau-Brunswick, c'est fait

par Michel M. Albert, agent de communication

Vendredi dernier, le Conseil d'administration de la FÉÉCUM votait, la plupart diront ENFIN, le retrait définitif de la Fédération à l'Alliance étudiante du Nouveau-Brunswick (AÉNB). Il n'y a rien d'inattendu à cette décision, vu que la FÉÉCUM avait pris le recul légal nécessaire l'an dernier en devenant membre associée (à la moitié de la cotisation), le premier pas vers le retrait complet. Aucune surprise même l'an dernier vu que 90% des rapports des président.e.s et vice-président.e.s exécutif.ive.s des derniers 10 ans recommandaient ce retrait. Tout de même, vous vous demandez peut-être qu'est-ce qui a poussé votre Fédération à se retirer, qu'est-ce qui va se passer maintenant, ou même « Cocé ça l'AÉNB?! », et pour que vous n'ayez pas à fouiller tous ces rapports de fin d'année, je vais tenter de vous donner tout le contexte.

L'AÉNB se veut un groupe de pression qui fait la défense et la promotion des enjeux étudiants auprès des instances provinciales. Sont membres les associations étudiantes de chaque campus universitaire du Nouveau-Brunswick, sauf UNB-St-John qui n'a jamais voulu y adhérer, et maintenant l'Université de Moncton-Campus de Moncton (i.e. la FÉÉCUM). Pour être membre, il faut présentement payer une cotisation de 1,38$ par étudiant représenté, ce qui représente environ 13 000$ par année pour la FÉÉCUM. Un membre associé paie la moitié de ça et perd son droit de vote, bien que dans un effort d'essayer de nous garder, nous et notre cotisation, l'AÉNB ignorait sa propre constitution et nous laissait voter quand même.

Mais voilà, qu'est-ce qu'on a en retour pour cette cotisation? L'insatisfaction de nos élus dans la dernière décennie démontre que la réponse est « pas assez » ! D'une part, les rapports de fin d'année décrivent une Alliance nombriliste qui se penche sur ses politiques internes, sa structure, sa constitution, ses façons de faire, bref tout sauf sa mission. L'AÉNB a changé sa structure plusieurs fois, revenu en arrière, adopté une structure abandonnée jadis, et ainsi de suite, chaque exécutif voulant refaire l'Alliance à son image chaque fois. Et pendant ce temps-là, nous avons un groupe de pression provincial qui ne fait rien pour faire avancer la cause étudiante.

Peut-être que c'est une question de ressources. Jusqu'à récemment, la cotisation était encore plus élevée et servait à salarier un.e directeur.trice général.e qui devait, sur papier, faire le lobbying auprès du gouvernement, préparer les campagnes mandatées par l'exécutif de l'Alliance, etc. Non seulement ce salaire était peu compétitif (dans le 30 000$ par année), rendant le recrutement et la rétention de bon.ne.s candidat.e.s difficiles, mais après calcul, on s'est rendu compte que plus de 90% du budget total annuel de l'Alliance allait à payer cet.te employé.e, sa ligne de téléphone, fournitures de bureau, déplacements, etc. La personne n'avait même pas les ressources pour mener des campagnes efficaces, ou même remplir le mandat bilingue de l'Alliance avec de la traduction convenable (plus là-dessus dans le prochain paragraphe). Il y a une couple d'années, la FÉÉCUM a amené ce problème à l'Alliance et le poste a été éliminé. Cela n'a pas cependant créé une ressource financière potable pour, par exemple, produire des publicités télé pour sensibiliser les Néo-Brunswickois aux enjeux étudiants, parce l'AÉNB a plutôt choisi de réduire le montant de la cotisation.

Alors oui, ça serait se leurrer que de croire qu'il n'y a pas un élément linguistique à notre décision de quitter l'Alliance. Ce n'est pas l'argument premier, mais il est là. D'une part, nous croyons qu'une association étudiante provinciale qui représente les étudiants francophones autant qu'anglophones devrait être bilingue, produire ses documents dans les deux langues, offrir l'opportunité à ses membres de parler dans la langue de leur choix aux réunions, etc. Malheureusement, même avec des ressources financières libérées, l'AÉNB continue d'envoyer des communiqués traduits par Babel Fish (du moins, la qualité y est équivalente), et un regard à la version française du site web de l'AÉNB et aux documents qui y sont est assez pour faire honte. La solution privilégiée par l'Alliance était de demander à la FÉÉCUM de faire la traduction elle-même. C'est ça, traduire des documents pour que nous puissions nous-mêmes les lire. Certainement, la FÉÉCUM a souvent ressenti une frustration fatiguée par rapport aux communications unilingues anglaises envoyées dans notre direction par l'Alliance, mais ça va des deux côtés, et une lettre en français envoyée à l'Alliance par la FÉÉCUM a su piquer le receveur aussi. Donc côté bilinguisme, on donne une note de "E".

Mais bon, c'est plus que ça. Il y a des différences importantes entre la réalité des étudiants francophones et celle des étudiants anglophones et nous faisons face à différents enjeux - la dualité linguistique, la protection de notre culture en milieu minoritaire, le coût des livres plus élevés, la mission unique et généraliste de l'UdeM d'offrir une éducation postsecondaire tout domaine confondu à la population acadienne. Si on prend Mount Allison comme exemple pour montrer les différences, voici une université qui peut se permettre de se spécialiser, de couper des disciplines, etc. et qui est fréquentée en majorité par des étudiants de l'extérieur du Nouveau-Brunswick. Pour une raison ou une autre, la FÉÉCUM est plus progressiste que la majorité des autres membres de l'Alliance, et si on prend le plafond d'endettement que nous revendiquons depuis les derniers 8 ans, Mount A était justement un des membres qui s'était opposé à la recommandation à l'époque. Après tout, très peu de leurs étudiants pourraient bénéficier d'une mesure faite pour aider les Néo-Brunswickois issus de familles à faible revenu. À la fin, nos recommandations à la Commission sur l'éducation postsecondaire contenaient le plafond, et celui de l'Alliance non. La Commission a fait un gros copier/coller de notre recommandation dans leur rapport, donc on n’était pas dans le champ. (Point d'info : Le gouvernement, préférant des demi-mesures à l'efficacité, a dénaturé cette idée pour créer le programme de remboursement de la dette dans le délai prévu. C'est pourquoi on revendique encore un plafond comme mesure d'urgence pour enrayer l'endettement excessif aujourd'hui.)

De toute façon, quand les médias francophones veulent parler d'enjeux étudiants, ils n'appellent pas l'AÉNB, ils appellent la FÉÉCUM. Nos médias et leur public préfèrent traiter la nouvelle d'un point de vue francophone, de façon à parler de notre réalité partagée. Ça ne sert donc pas à grand chose d'avoir une association provinciale qui parle pour nous. Dernièrement, j'ai aussi remarqué une hausse d'interventions d'associations étudiantes spécifiques dans les médias anglophones, plutôt que d'y voir l'AÉNB à chaque fois. Et c'est la même chose pour le gouvernement, qui est prêt à rencontrer la FÉÉCUM spécifiquement et qui comprend que nos enjeux sont distincts, sans que cela n'empêche que nous soyons à la table quand la province rencontre le mouvement étudiant, membres et non-membres de l'AÉNB pour parler d'enjeux plus généraux. La FÉÉCUM s'est d'ailleurs dotée de ressources qui la rendent plus efficace et productive que l'Alliance. Nous avons deux employés qui font le travail que l'AÉNB ferait normalement: Un agent de recherche qui porte appui aux revendications et rend nos recommandations plus légitimes, et un agent de communication qui fait sortir ces revendications dans les médias. Dans les dernières années, UNB a aussi été se chercher un appui à la recherche, et l'AÉNB, sans aucune de ces ressources, dépendait de plus en plus du travail fait par la FÉÉCUM et la UNB Student Union. On paie pour être membre, et on paie une deuxième fois pour les ressources que l'AÉNB utilise.

Tout ça pour dire que c'est une structure qui laisse à désirer côté qualité/prix, et qui pourrait être facilement remplacée par un simple forum de concertation à travers lequel les associations étudiantes de la province se rencontrent ponctuellement, parlent de leurs terrains communs, des enjeux qui les occupent et de leurs différentes, où on ne se doit rien, mais où on peut choisir de collaborer sur des initiatives, projets, revendications ou événements. Et avec l'argent qu'on ne met pas dans un système brisé, on peut se déplacer pour rencontrer ou même aider nos pairs dans les autres campus, fournir des ressources aux campus de l'UdeM dans le Nord, et/ou mener nos propres campagnes. Nos liens avec les étudiants des autres universités ne sont en aucun cas rompus, mais il nous semble ridicule de continuer à investir dans une formule aussi dysfonctionnelle. D'autres sont d'ailleurs en train de suivre dans nos pas. UNB et UdeM Campus Edmundston passent cette année au statut de membres associés.

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